Travail-vie personnelle, conciliation possible

Conciliation travail-vie personnelle : Les deux côtés de la médaille de la gestion des différentes sphères de vie
De nos jours, tout le monde doit jongler avec une vie professionnelle et personnelle qui sont toutes autant exigeantes l’une que l’autre. Cet aspect de la vie moderne peut mener à du conflit entre les différents rôles joués par un individu (travailleur, conjoint, parent, coach, coéquipier, ami, etc.) et les demandes (p.ex.: temps, ressources, énergie, etc.) qui viennent avec ceux-ci. Par exemple, le temps investi au travail peut empêcher l’individu d’assister à des activités personnelles. Ou une personne ayant de jeunes enfants ne faisant pas leurs nuits peut avoir moins d’énergie au travail le lendemain matin et avoir de la difficulté à se concentrer. C’est ce qu’on appelle le conflit travail-vie personnelle.

Cependant, l’inverse est également possible et les différentes sphères de vie peuvent s’enrichir l’une l’autre, ce qu’on appelle l’enrichissement travail-vie personnelle. Par exemple, les compétences développées à la maison en terme de gestion du temps (p.ex.: gérer les horaires de tous les membres de la famille) peuvent aussi être utiles au travail.

Chaque personne a sa propre manière de gérer les multiples demandes issues de ses différentes sphères de vie. Certains préfèrent intégrer les différentes sphères de vie et d’autres préfèrent les segmenter. C’est à l’individu que revient la responsabilité de trouver le bon équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle. Certaines personnes peuvent avoir des préférences de segmentation, c’est-à-dire lorsqu’un individu désire séparer son travail et sa vie personnelle. Par exemple, ces personnes pourraient considérer que les heures de travail devraient être strictement réservées aux tâches reliées au travail tandis que les soirées et fins de semaine sont exclusivement dédiées aux amis et à la famille ainsi qu’aux autres activités personnelles.

Il est par contre important de noter que le concept de préférence de segmentation ne reflète pas nécessairement les comportements réels d’un individu. En dépit de nos préférences, notre environnement et les circonstances nous forcent parfois à intégrer nos multiples vies. Le fait de préférer segmenter, mais d’être obligé d’intégrer certains aspects peut amener l’individu à ressentir du conflit entre ses différentes sphères de vie. C’est donc pourquoi nous avons également regardé les stratégies d’intégration, ce qui permet de voir ce qui est réellement utilisé, peu importe la préférence.

Ainsi, à l’inverse des préférences de segmentation, les stratégies d’intégration sont utilisées lorsqu’un individu mélange sa vie professionnelle et sa vie personnelle, par exemple, sans délimitation précise de temps et d’espace réservée pour chacun. La technologie nous donne la flexibilité de répondre à des messages textes, courriels et appels personnels durant les heures de travail tout en nous permettant d’en faire autant pour le travail dans sa sphère personnelle et de pouvoir faire du télétravail à la maison par exemple.

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De plus, certains individus veulent séparer ou intégrer dans une direction, mais pas dans l’autre direction. Par exemple, peut-être que certains individus n’ont pas de problème avec le fait de répondre à des appels personnels durant les heures de travail, mais il pourrait être absolument hors de question pour eux de travailler durant la soirée.

Séparer le travail et la vie personnelle, l’approche à adopter? Pas nécessairement!

Les résultats de nos recherches, menées en 2016 auprès de plus de 400 travailleurs de différents milieux, nuancent la pensée courante qui semble prôner qu’une séparation claire entre le travail et la vie personnelle peut possiblement être la meilleure façon de trouver l’équilibre entre les deux. En effet, cela dépendrait de la direction de la segmentation. Nos résultats montrent que vouloir garder sa vie personnelle à l’extérieur de son travail amènerait plus d’enrichissement du travail vers la vie personnelle. Ainsi, empêcher les aspects de la vie personnelle d’interférer avec le travail pourrait possiblement permettre, par exemple, aux travailleurs d’améliorer leur concentration au travail et ainsi peut-être les empêcher d’amener du travail non terminé à la maison (et de ce fait, pouvoir être plus présent pour leur famille). Cela suggère donc que préférer segmenter n’est pas toujours négatif.

Par contre, il semble également y avoir des désavantages à segmenter, puisque vouloir empêcher le travail d’interférer avec la vie personnelle nuirait à l’enrichissement du travail vers la vie personnelle. La personne pourrait donc se priver de transférer dans sa vie personnelle les compétences acquises au travail pouvant être utiles à la maison (p.ex.: gestion du temps) ou d’y vivre les bénéfices associés, par exemple, à la satisfaction dans son travail ou autres émotions positives vécues dans le cadre de son travail (p.ex.: fierté suite à la réussite d’un projet, etc.). Nos résultats montraient également que le fait de vouloir garder sa vie personnelle à l’extérieur de son travail empêcherait l’individu d’enrichir sa sphère professionnelle des compétences et/ou émotions vécues dans sa vie personnelle (p.ex.: discuter avec ses collègues des activités ou sorties réalisées durant la fin de semaine lui ayant fait vivre de belles émotions positives).

Cela ajoute un peu de perspective à la pensée courante prônant la séparation complète des différentes sphères de vie. Nos résultats montrent en effet que les personnes qui préfèrent garder leurs différentes sphères de vie séparées vont se priver de l’enrichissement possible entre celles-ci, alors que cela pourrait possiblement permettre un meilleur équilibre entre les différents rôles et sphères de vie.

Séparer le travail et la vie personnelle permet-il de vivre moins de conflits? Pas nécessairement!

Nos résultats suggèrent aussi que séparer le travail et la vie personnelle n’empêche pas nécessairement le conflit travail-vie personnelle et que pour y arriver, ce ne serait pas aussi simple que de construire des frontières imperméables entre les différentes sphères de vie. En effet, vouloir empêcher le travail d’interférer avec la vie personnelle (et vice-versa) amènerait la personne à vivre plus de conflits du travail vers la vie personnelle (et vice-versa) puisque la personne se priverait d’utiliser la flexibilité disponible qui pourrait lui permettre d’atténuer ces conflits (p.ex.: conflits d’horaire). En effet, en étant flexible par rapport au fait de laisser la vie personnelle empiéter un peu sur la vie professionnelle, cela peut, par exemple, faciliter la prise de rendez-vous chez divers spécialistes de la santé, permettre une meilleure gestion du temps pour aller porter/chercher les enfants à la garderie, etc. L’inverse est aussi vrai. Si la personne est catégorique dans son refus de travailler les soirs ou la fin de semaine, même en cas d’exception majeure, elle peut ressentir plus de pression et de stress durant ses heures de travail pour parvenir à réussir à finaliser un projet dans les temps. En voulant éviter de devoir ramener du travail à la maison, la personne peut se brûler au travail en étant dans un niveau extrême de stress toute la journée et finalement arriver à la maison trop fatiguée pour faire quoi que ce soit.

Si la segmentation n’est pas la solution, est-ce qu’intégrer le travail et la vie personnelle permet d’avoir un meilleur équilibre?

Qu’est-ce que nous avons trouvé? Oui, la stratégie d’intégrer le travail dans notre vie personnelle peut augmenter le conflit entre la vie professionnelle et personnelle. Mais faire cela peut aussi être vraiment bénéfique, car ça permet à l’individu d’utiliser efficacement les compétences développées dans les deux domaines pour améliorer sa vie professionnelle et personnelle.

Ces résultats, lorsqu’ils sont pris avec le fait que la préférence de segmentation a été majoritairement associée à moins d’enrichissement et plus de conflits, suggèrent qu’intégrer nos différentes sphères de vie pourrait être plus bénéfique que de les séparer!

Caroline Leduc

Chroniqueuse  Secret de nerds-Équipe Altius

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Références :
Leduc, C., Houlfort, N. & Bourdeau, S. (2016). Work-Life Balance: The Good and the Bad of Boundary Management. International Journal of Psychological Studies, 8(1), 133-146.

Pour en savoir plus sur le sujet :

Article scientifique duquel est basée cette vulgarisation :
• http://www.ccsenet.org/journal/index.php/ijps/article/viewFile/56823/30421

 

Autres chroniques sur le sujet :
 http://www.equipealtius.ca/conciliation-travail-vie-personnelle

http://www.equipealtius.ca/strategies-dintegration-travail-vie-personnt-bien-etre-employesnelle-affecte/